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DENTELLE ET POÉSIE


Une araignée et une dentellière
Travaillaient de concert
Prés d’une prairie où des bovins paissaient
Ceux-ci les observaient, étonnés,
De les voir tisser avec tant d’application
« A quoi bon vous sert toute cette technique
Cette obsession de la perfection »
Demandèrent-ils septiques ?
« Moi, répond l’araignée
J’œuvre ainsi depuis des milliers d’années
Le nez en l’air
A l’endroit à l’envers
Sans dessiner de plan
Le nez au vent

Sans me poser de questions
Le résultat est une dentelle magnifique
Je n’ai pas à prouver
Ses qualités ni sa beauté
Cela est déjà fait
Reconnue par toute l’humanité »
« Et toi, s’enquérirent-ils, à denteler,
Toujours courbée, les yeux écarquillés
Sur tes cartons piqués
Que tu essaies de transformer
En fine toile d’arachnée
Que prétends-tu prouver ?
Que tu vas nous faire rêver ?
Que crois-tu que nous soyons entrain d’évaluer
Si ce n’est :
Ta rentabilité
Ta productivité
Ton efficacité
Ta régularité
Ta créativité

Tu nous as l’air de moins côter
Malgré ta ténacité
Qu’une araignée »
La dentellière murmure amusée :
« Dites, pensez
Ce que vous voulez
Gaussez vous
Pauvres de vous
Que m’importent vos critères d’ailleurs,
Richesse, idéal pour moi sont ailleurs.
J’ai une force qui me pousse
Qui jamais ne s’émousse
Qui se nomme liberté.
Liberté de rêver.
Liberté de créer.
Liberté d’échapper à tout ce qui est laid.
Liberté de m’appliquer.
Liberté de contempler l’œuvre réalisée.
Liberté de partager avec qui me plait.
Liberté de voler le temps au temps.
C’est pour moi plus important.
Et je sais qu’au fond vous m’enviez.
Vous …… qui m’observez.

Elisabeth Ventenat
paru dans la revue *La Dentelle* n° 73